PATRICE SANAHUJAS, LE PASSAGER DE L'IMAGINAIRE
C'était au tout début des années
70, à une époque où on imprimait les fanzines à
l'aide de stencils, des papiers paraffinés qui servaient de pochoirs
après qu'on les eut perforés à la machine à
écrire. |
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Quelques temps plus tard, en 77, Patrice vint à
nouveau me solliciter pour lui écrire des scénarios. Pour
les éditions Fleurus, il lui fallait cette fois des énigmes
policières en cinq planches destinées à l'hebdomadaire
Djin. Nous créâmes ainsi le personnage de Renauld
Delmond, puis de Chloé, navigatrice solitaire, et cette collaboration
dura plus de quatre ans, toujours dans une entente parfaite. Il n'est pas difficile de s'accorder avec Patrice Sanahujas. Raisonnable, dans beaucoup de domaines, il faisait et disait les choses avec simplicité et gentillesse, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir un oeil acéré sur les travers trop insupportables de certaines personnes. Mais cela se faisait sans réelle méchanceté, et c'était toujours l'humour qui finissait par l'emporter. Organisé, se contentant de peu, il travaillait sans l'ombre d'une ostentation, oeuvrant comme un artisan consciencieux admiratif de ses maîtres et avide de progresser sans cesse. Son atelier était - et est toujours, grâce à Martine son épouse et ses deux fils qui n'ont de cesse de respecter son souvenir - un capharnaüm magique dans lequel on ne pouvait que se sentir bien et fasciné. Autour du chevalet et de la table à dessin, parmi les piles de livres dont Patrice était un grand dévoreur, on sentait rôder la présence de Sherlock Holmes, de Conan le Barbare, de Bob Morane, de Bilbo le Hobbit et de bien d'autres grandes figures du monde imaginaire. Patrice avait décidé de prendre ce train qui conduit à l'Utopie et tous ces personnages mythiques faisaient partie du voyage. Seulement le train a déraillé un sale jour de février 96, Patrice avait quarante-quatre ans lorsque la maladie a vaincu son courage. Si les héros se tirent toujours des pires situations, ce n'est malheureusement pas le cas de ceux qui les conçoivent. |